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Pratiques sexuelles sécuritaires

Alors, vous avez accidentellement mangé de la merde. Et maintenant?

Le jeu anal pendant les relations sexuelles queeres est condamné à remuer quelque chose. La question est: que se passe-t-il lorsqu’un peu de caca se retrouve dans votre bouche?


Écrit par Kevin Hurren
October 30, 2025 dernière mise à jour October 31, 2025

Alors, vous avez accidentellement mangé de la merde. Et maintenant? cover image
Credit: Getty Images; Canva

Si vous êtes queer et sexuellement actif·ive, vous avez peut-être vécu cette histoire. L’histoire d’une aventure tournant au vinaigre, que tu racontes à tes ami·e·s — le visage rougi — lors d’un brunch, le lendemain, comme les filles de Sex and the City. Passe assez de temps dans les rues du dating et tu auras peut-être quelques-unes de ces historiettes. Récemment, l’histoire qui circule dans mon cercle social m’est arrivée; on la nomme affectueusement «l’incident Madonna».

Afin d’éviter de m’égarer trop loin dans les détails érotiques, je vais rester dans les grandes lignes: après quelques changements de position, mon partenaire, poliment, me demande d’aller me «nettoyer» aux toilettes. Après l’avoir fait, j’étais dans un état de confusion : incapable de trouver des résidus indésirables. J’ai pensé qu’il y avait peut-être un malentendu. Jusqu’à temps que, effectivement, je me sois regardé dans le miroir, et qu’au milieu de mes dents du haut—créant l’illusion d’un espace, proche du diastème iconique de Madonna—j’ai aperçu un petit bout de caca.

Bien que dégoûté à l’époque, je dois (comme beaucoup d’autres) en rire aujourd’hui. C’est une anecdote idiote et gênante, mais qui est étonnamment commune. En racontant mon expérience de Material Girl, d’autres personnes se sont confiées sur leurs épisodes mange-caca.

 

Je ne parle pas d’intentionnels jeux scatos ou des fétichistes du caca (ils mériteraient leur propre article). Plutôt, il serait juste de dire ceci : qu’il s’agisse d’anulingus, de jeux avec les poings et les doigts, ou de jouets sexuels qui volent dans tous les sens, il n’est pas insensé de suggérer que des excréments pourraient se retrouver dans, ou autour, de votre bouche. Après tout, qu’est-ce qu’un anulingus s’il n’est pas directement fait à sa source?

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Si l’on parvient à dépasser le dégoût de base, des questions émergent : quels sont les risques pour vous ou votre partenaire si vous ingurgitez un peu d’excréments? Et que pouvez-vous dire dans le feu de l’action lorsque cela se produit?

Pour répondre à la première question, je me suis entretenu avec Dr Troy Grennan, médecin spécialiste des maladies infectieuses et chercheur au BC Centre for Disease Control, où il dirige le programme de lutte contre le VIH et les ITSS.

«C’est bizarre de le dire comme ça, mais on peut considérer que ça dépend de la dose», explique Grennan, qui utilise le mot «dose», un mot hygiénique que je n’aurais pas pu imaginer pour dire «caca». «Plus la “dose” est élevée, plus le nombre de bactéries est important, et plus vous avez de chances d’être infecté·e par quelque chose. Dans la plupart des cas, tout ira bien.»

En ce qui concerne les types de bactéries qui vivent dans ou autour de l’anus, toutes les infections sexuellement transmissibles habituelles s’appliquent : VPH, gonorrhée, chlamydia, syphilis, etc. Mais en présence de matières fécales, le risque peut s’étendre à des bactéries comme l’hépatite A, ou l’une des douze autres bactéries ou parasites présents dans les selles, dont le giardia et l’E. coli.

Contrairement aux ITSS, les symptômes de ces infections comprennent plus souvent de la fièvre, de la diarrhée, des crampes et des vomissements. Grennan suggère de consulter un·e  professionnel·le de la santé si vous présentez ces symptômes dans les heures ou les jours qui suivent votre rapport sexuel.

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Aussi désagréable que ces infections puissent sembler, Grennan précise que les risques de transmission de celles-ci ne sont pas nécessairement élevés, essentiellement parce que la personne dont vous consommez les matières fécales doit également être infectée par la bactérie. L’hépatite A, par exemple, est moins fréquente en Amérique du Nord grâce à nos processus de filtration des eaux, à nos mesures de sécurité alimentaire et à la vaccination élevée contre l’hépatite A. Il est donc plus probable que vous l’attrapiez lors d’un voyage à l’étranger que lors d’un rapport sexuel.

Mais ce n’est pas parce qu’un simple contact avec les selles ne se traduit pas toujours par une infection que les personnes queers et trans doivent baisser leur garde. Prenons l’exemple du shigella. Cette infection intestinale, qui se propage également par voie fécale-orale, inquiète les milieux de la santé en raison d’une variante multirésistante que l’on trouve dans certains cercles sociaux queers.

Pour réduire le risque de shigella et d’autres bactéries fécales, Grennan indique qu’il est préférable de se doucher et de se nettoyer les fesses, en plus de laver les jouets sexuels et ses mains, non seulement avant et après les rapports sexuels, mais aussi pendant (même si l’on pense que cela pourrait plomber l’ambiance).

Ces précautions ne sont pas destinées à éliminer chaque particule de matière fécale, à la manière de Terminator. «Même en dépit d’un nettoyage minutieux et d’une hygiène rigoureuse, le risque d’infection n’est jamais nul, car il s’agit d’une zone où il y a beaucoup de passages et de bactéries», explique Grennan. Il prévient également qu’un nettoyage anal excessif peut endommager la muqueuse intestinale et rendre l’organisme encore plus vulnérable à la prolifération bactérienne.

«Le système gastro-intestinal est un système dynamique. Il y a un mouvement constant, donc si vous avez fait une douche anale il y a quatre heures, les choses peuvent avoir changé.»

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Bien entendu, l’atténuation des risques pour la santé n’est qu’une partie de l’équation. Il faut également tenir compte de l’impact qu’un écoulement surprise peut avoir sur la dynamique entre les partenaires.

«Beaucoup de gens pensent que lorsqu’un accident se produit, c’est toute l’ambiance qui est détruite», explique Keanu Jackson, thérapeute et éducateur basé à Brooklyn, New York, qui aide les personnes queer à trouver une autonomie corporelle ainsi qu’une agentivité sexuelle et relationnelle. Lorsque des accidents se produisent, Keanu Jackson affirme que la première chose à faire est de gérer sa propre réaction, quel que soit le côté de l’équation où l’on se trouve.

«Comprenez qu’il s’agit d’une expérience probablement embarrassante, et qu’il faut donc beaucoup d’auto-entraînement pour passer par le processus et voir quels sont les besoins de soutien immédiats de votre partenaire.»

Il suggère également de travailler ensemble pour retrouver un espace d’intimité. Mettre de la musique et allumer une bougie pendant la douche peut s’avérer extrêmement érotique si l’on y ajoute des massages et des baisers tendres. «Le processus de nettoyage ne doit pas donner l’impression d’être un geste distinct du grand puzzle sexuel.» 

 

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Et si vous découvrez que vous aimez la présence du chocolat naturel et que vous ne savez pas comment aborder le sujet avec votre partenaire, ne lo surprenez pas au lit avec ça. Au contraire, abordez la conversation en étant prêt·e à exprimer non seulement ce dont vous avez besoin, mais aussi pourquoi. «Qu’est-ce qui est excitant pour vous dans ce kink? Faites ce travail d’introspection pour que, lorsque votre partenaire aura des questions à vous poser, vous puissiez l’aider à entrer dans votre propre curiosité», suggère Jackson. 

 

Qu’il s’agisse de votre santé ou de votre aventure, ne paniquez pas. «La merde arrive. Ce n’est pas parce que ça arrive que ça doit être la fin d’une dynamique sexuelle.»

 

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