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Relations

Ce que vous devez savoir sur la non-monogamie et la santé mentale

Les relations non monogames peuvent venir avec un ensemble de défis uniques. Voici comment vous assurer que votre santé mentale—et vos relations—restent solides.


Écrit par Diamond Yao
November 3, 2025 dernière mise à jour October 31, 2025

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Credit: Getty Images; Alex Apostolidis/Script

Les personnes LGBTQ2S+ remettent depuis longtemps en question les normes relationnelles existantes: nous avons construit des familles choisies composées de personnes sans lien de parenté, nous nous sommes épanoui·e·s dans des communautés polyamoureuses, et avons créé des espaces où nous pouvons librement expérimenter les genres et les sexualités, loin du regard scrutateur de la société hétéronormative.

 

Aujourd’hui, alors que l’ouverture à la non-monogamie se développe, un certain nombre de personnes queer et hétéros, cis et trans—s’interrogent sur la monogamie hégémonique en tant que structure relationnelle. De nombreuses personnes queers ont perpétué la tradition de réinventer des structures relationnelles en créant leurs propres chemins vers des relations éthiques non monogames.

 

La non-monogamie peut être une source de joie, mais elle comporte également son lot de défis. Nous avons discuté avec Laurie Bissonette, travailleuse sociale et conseillère spécialisée dans les relations queer et non monogames, afin de découvrir comment les personnes LGBTQ2S+ engagées dans des relations ouvertes peuvent prendre soin de leur santé mentale.

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Qu’est-ce que les personnes queer intéressées par la non-monogamie devraient savoir avant de de se lancer?

 Tout d’abord, il faut savoir que le fait d’ouvrir une relation n’est pas toujours la solution pour régler des problèmes relationnels. Je travaille avec beaucoup de personnes qui envisagent d’ouvrir leur couple lorsqu’elles rencontrent des difficultés. Ça peut fonctionner, mais ce n’est pas toujours une bonne solution, car passer d’une relation monogame à une relation non monogame peut soulever beaucoup de questions et d’incertitudes.

 

Il faut également savoir qu’il existe de nombreuses formes de relations non monogames, telles que le polyamour, les relations ouvertes et l’anarchie relationnelle. Avant de s’engager dans une telle relation, il est préférable de prendre le temps de mieux se connaître et de découvrir toutes les possibilités qui s’offrent à vous. C’est un mythe répandu que la non-monogamie ne concerne que le sexe. Puisqueles personnes queer sont perçues comme ayant une activité sexuelle intense, les personnes queer non monogames sont encore plus susceptibles d’être perçues de cette manière. Mais il est possible de développerdes connexions sans que le sexe soit impliqué. 

 

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Nous utilisons le terme « mononormativité », qui signifie que la monogamie est présentée comme la seule option ou la seule option « correcte ». Les personnes queer sont déjà confrontées à la marginalisation liée au fait de vivre dans une société cishétéronormative. Introduire la non-monogamie dans ce contexte pourrait accroître le sentiment d’isolement, d’exclusion et de discrimination de la part de leurs proches ou de la société en général. Dans ce cas, l’insécurité peut vraiment monter en flèche.

 

Quels conseils donneriez-vous aux personnes queer et non monogames qui cherchent à mieux gérer leurs sentiments d’insécurité ou d’isolement?

 L’insécurité est liée à la peur de perdre sa connexion avec quelqu’un. On peut ressentir beaucoup d’insécurité, tant dans une relation monogame que non monogame. Et c’est en fait cette peur de perdre sa connexion qui pousse les gens à garder le silence sur des sujets tabous comme la jalousie. Je suggère donc aux personnes queer et non monogames de choisir une personne de confiance avec laquelle elles se sentent à l’aise pour parler de toutes ces insécurités. Parfois, cela revient à trouver d’autres personnes qui ont également vécu des relations non monogames.

 

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Le fait est que lorsque vous êtes une personne queer qui souhaite élargir ses horizons ou en savoir plus sur la non-monogamie, vous pouvez vous retrouver dans un espace non monogame où la plupart des personnes sont cis et hétéros. La non-monogamie queer est une intersection parfois difficile à vivre, car il existe des normes très strictes dans la société qui vont à l’encontre de la queeritude et de la non-monogamie. C’est pourquoi j’encourage les gens à choisir une ou plusieurs personnes de confiance à qui se confier. 

 

J’ai vu beaucoup de ressources adaptées à la non-monogamie qui ont une approche assez normative. Les instructions « étape par étape » sur la manière d’ouvrir un couple peuvent être assez inutiles, car elles ne sont tout simplement pas assez précises : elles ne répondent pas vraiment aux insécurités individuelles des gens. Pour y répondre, nous devons trouver comment nous connecter à nous-mêmes et aux autres d’une manière qui nous semble sécurisante. C’est plus compliqué que de suivre des étapes, mais c’est ce qui fait la beauté de la chose.

Bien que chaque relation soit différente, il existe certains principes fondamentaux pour naviguer dans les eaux de la non-monogamie. Par exemple, pour qu’une relation non monogame fonctionne bien, les partenaires concerné·e·s doivent communiquer. Comment les personnes peuvent-elles communiquer plus efficacement?

Je conseille généralement aux gens de prévoir du temps pour discuter de leurs limites et de leurs attentes, afin de faire le point. Cela permet d’éviter que ces discussions aient lieu dans un moment de détresse, de jalousie ou de difficultés. Dans ma pratique, j’ai constaté que les gens ont une grosse discussion au début de leur relation non monogame, puis ne poursuivent pas le dialogue. Iels ne reviennent sur leurs attentes et leurs limites que lorsqu’un problème survient, ce qui n’est pas la meilleure chose à faire. Il est important d’avoir ces discussions également lorsque les choses vont bien. 

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Il est également important de fixer des limites quant au moment de la discussion. Si vous passez déjà une journée difficile sur le plan psychologique et que votre partenaire souhaite se confier ou vous expliquer ce qui s’est passé hier lors de sa date, alors que vous préférez ne pas le savoir pour le moment, vous pouvez lui suggérer d’appeler un·e autre ami·e. C’est l’une des forces de la communauté non monogame : comme nous ne pensons pas qu’une seule personne puisse répondre à tous nos besoins, il est normal d’avoir des ami·e·s très proches. Il est avantageux de bénéficier du soutien de la communauté et de ne pas consacrer toute son énergie émotionnelle à ses partenaires.

 

Les partenaires bénéficient également du fait d’être ouvert·e·s quant à l’évolution possible des besoins et des désirs. Ce qui a été convenu il y a deux mois peut ne plus convenir à une ou plusieurs personnes, et il est important de discuter de la manière de continuer la relation. Souvent, dans mon cabinet, je vois des personnes qui ne respectent pas vraiment leurs limites au début, en particulier lorsqu’elles sont dans une relation non monogame avec quelqu’un qui est considéré·e comme un·e expert·e en matière de non-monogamie. Elles se sentent obligées de suivre le rythme de cette personne. Cela peut convenir pendant les premières semaines, mais ce n’est pas forcément le cas par la suite. Il est important de s’exprimer lorsque quelque chose ne fonctionne plus.

 

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Chaque partenaire aura ses propres limites ou ses propres préférences. Comment les personnes peuvent-elles communiquer leurs limites à leurs partenaires?

Communiquer ses limites est une forme de respect envers soi-même, mais aussi envers les autres. Certaines limites peuvent avoir des répercussions sur d’autres relations, par exemple en ce qui concerne les ITSS. Les limites peuvent impliquer la communication d’informations. Ces limites n’affecteront pas nécessairement tous les membres du cercle et peuvent être adaptées aux besoins spécifiques de chaque partenaire. Une personne du cercle non monogame peut vouloir connaître les activités de leur partenaire avec les autres personnes et ressentir de la compersion (un sentiment de bonheur après avoir été témoin de la joie de son partenaire), mais une autre personne du cercle peut ne pas vouloir connaître tous les détails. Dans la communauté non monogame, j’ai parfois l’impression qu’il y a beaucoup de pression pour être aussi transparent·e que possible. Mais être transparent·e ne signifie pas tout communiquer; cela signifie communiquer la vérité et ne pas mentir. Il n’y a rien de mal à ce qu’une personne de votre cercle ne veuille pas connaître tous les détails de ce que vous avez fait la nuit dernière. Chacun·e doit se respecter et respecter ses limites, et ces limites peuvent évoluer avec le temps. Peut-être qu’au début, vous vouliez tout savoir, mais maintenant, vous avez seulement besoin de savoir si vos partenaires ont eu des rapports sexuels non protégés.

 

Pouvez-vous donner des exemples d’une situation dans laquelle trop de transparence est demandée?

Il est important de communiquer en respectant le consentement de toutes les personnes concernées. On parle généralement du consentement sexuel, mais il faut également obtenir le consentement pour communiquer certaines informations. Si A et B passent la nuit ensemble et que C veut tout savoir à ce sujet, C n’a pas automatiquement droit à ces informations. Peut-être que A ne veut pas que C sache les traumatismes qu’iel a partagés avec B ou les actes sexuels qu’iel a pratiqués avec B. Une personne appartenant à un cercle non monogame doit comprendre que d’autres personnes du cercle peuvent être affectées par le fait qu’elle souhaite tout partager ou tout savoir. Dans mon cabinet, j’ai vu des personnes se sentir trahies lorsqu’elles ont appris que certain·e·s de leurs partenaires connaissaient des informations qu’elles ne voulaient révéler qu’à un·e seul·e partenaire. Ce n’est pas parce que vous êtes dans une relation non monogame qu’il n’y a aucun risque de trahison. Vous pouvez toujours subir des violences au niveau de vos limites, mais celles-ci prennent une forme différente de celles que l’on trouve habituellement dans les relations monogames. Il est donc essentiel de demander le consentement avant de partager des informations sensibles sur l’un·e de vos partenaires avec vos autres partenaires.

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Je tiens vraiment à souligner que, tout comme pour les relations monogames, les relations non monogames peuvent être toxiques ou malsaines. La communication consiste également à porter attention aux signaux d’alarme que vous percevez, comme le fait d’être poussé·e à faire quelque chose qui vous met mal à l’aise. Une bonne santé mentale repose sur la connexion avec nous-mêmes et les autres, donc si nous ne sommes pas authentiques dans la communication, cela pourrait conduire à d’autres problèmes dans le futur.

 

Imaginons que le ou la partenaire d’une personne ait un désir excessif de savoir ce que fait l’autre. Comment les couples peuvent-ils aborder ce problème?

Il est normal de se sentir inquiet·ète, mais cela ne vous donne pas automatiquement le droit d’agir en fonction de cette insécurité : vos actions restent de votre responsabilité.

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Lorsque vous vous sentez inquiet·ète, essayez de dire à votre partenaire que vous avez besoin de communiquer sur un sujet précis. Donnez-lui la possibilité de répondre « d’accord, mais pas maintenant ». Vous pouvez également noter vos pensées avant de vous exprimer et faire la distinction entre les problèmes que vous souhaitez partager et ceux qui peuvent attendre. Vous pouvez également réfléchir à votre part de responsabilité dans le problème avant d’entamer la discussion.

Étant donné qu’il existe peu de ressources pour cette communauté, il est difficile pour les personnes queer et non monogames de trouver de l’aide lorsqu’elles ont des problèmes relationnels. Vous risquez d’être jugé·e par des professionnel·le·s de la santé mentale, qui ne sont pas toujours ouvert·e·s aux personnes queer ou à la discussion sur la non-monogamie. Et même si iels sont ouvert·e·s à ces questions, iels peuvent ne pas les comprendre pleinement. C’est pourquoi je conseille vivement aux gens de se rapprocher de personnes qui ne sont pas nécessairement leurs partenaires. Une communauté de personnes qui ne sont pas forcément considérées comme des partenaires sexuel·le·s ou amoureux·ses peut servir de réseau de soutien. Mais il est vraiment important de suivre votre intuition pour déterminer à qui vous pouvez parler de vos problèmes, et d’y aller progressivement pour voir comment l’autre personne réagit.

 

Je recommande également aux personnes d’être patient·e·s avec elleux-mêmes lorsque les choses sont difficiles. Nous avons tous·tes grandi dans une société qui nous dit que ce n’est pas normal d’être queer, de ne pas trouver « l’âme sœur », de ne pas avoir une seule personne qui réponde à tous nos besoins. Ça fait beaucoup de choses à déconstruire!

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Nous avons beaucoup parlé des problèmes de santé mentale auxquels peuvent être confrontées les personnes non monogames. Quels sont les avantages potentiels des relations queer et non monogames?

La non-monogamie consiste à se connecter avec qui vous êtes et avec des personnes de confiance avec lesquelles vous pouvez construire des relations significatives. Je pense que les personnes queer et non monogames peuvent avoir une meilleure compréhension d’elles-mêmes lorsqu’elles construisent des relations. Elles adoptent ainsi un mode de vie plus en phase avec leurs désirs et leurs besoins. En effet, au lieu de suivre des schémas normatifs, elles prennent le temps de réfléchir à leurs choix. Il en va de même pour leurs partenaires. C’est un avantage considérable pour tout le monde, car vous aidez et soutenez également vos partenaires dans leur cheminement vers la découverte de soi. Vous apprenez également à vous libérer de nombreux problèmes qui minent les relations, simplement en apprenant à mieux communiquer. Être vulnérable peut, au final, vous rendre plus fort·e.

 

Votre santé mentale s’améliorera également lorsque vous ressentirez une joie empathique pour vos partenaires. Cela leur enlève la pression de devoir satisfaire tous vos désirs et vos besoins, chose attendue dans notre société mononormative. C’est un changement de perspective qui peut être vraiment difficile pour certaines personnes, mais aussi bénéfique pour beaucoup d’autres.

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