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Plaisir

Comment squirter

Lola Jean, éducatrice sexuelle détentrice du record mondial de volume de squirt, est là pour répondre à vos questions


Écrit par Andrea Zanin
October 30, 2025 dernière mise à jour November 7, 2025

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Credit: Getty Images; Unsplash; acepeaque/Script

Le squirting est devenu un sujet de conversation plus courant durant les années 80, dans un contexte où le féminisme sexuellement positif (sex-positive en anglais) encourageait les femmes à se réapproprier leur plaisir et à explorer toutes les possibilités offertes par leur corps. Comme pour le mystérieux point G, le squirting était alors présenté comme un moyen d'obtenir les orgasmes les plus extraordinaires qui soient, avec, en prime, une confirmation visuelle: un geyser de fluide corporel en quantité suffisante pour tremper les draps, notre partenaire, et peut-être même les murs et le plancher.

Aujourd'hui, « squirting » est un terme de recherche courant sur les sites pornographiques, et on trouve dans la plupart des boutiques érotiques des couvertures imperméables visant à limiter les dégâts. On pourrait donc dire que le squirting est devenu grand public! Et pourtant, comme il s'agit d'un phénomène encore très peu étudié, des questions demeurent. D'où provient ce fluide? S'agit-il simplement d'urine? Si on a une vulve et qu’on n’a pas encore compris comment éjaculer, ou squirter, rate-t-on quelque chose?

Pour répondre à ces questions, nous avons discuté avec Lola Jean, éducatrice sexuelle, professionnelle en santé mentale, lutteuse, dominatrice professionnelle et détentrice du record mondial de volume de squirt (en solo) basée à New York.

 

Comment définiriez-vous le squirting? 

Lors d'une sensation de plaisir sexuel, un liquide peut être expulsé de la région génitale. Je pense que l'on croit souvent à tort que ce liquide est nécessairement projeté, mais il peut parfois dégouliner, s’écouler ou se déverser. Cela ne se produit pas nécessairement pendant l'orgasme, bien que cela puisse aussi se produire à ce moment-là. Cela peut survenir fréquemment ou rarement. Si vous vous sentez bien et qu'une bonne quantité de liquide sort de votre corps, il s'agit probablement de squirt.

L'une des choses troublantes que je constate dans la plupart des publications qui existent sur le squirting, c’est le langage très binaire utilisé pour décrire les corps, les parties du corps et les genres auxquels elles sont censées correspondre. Il y a aussi beaucoup de discours décrivant le squirting comme une chose « intrinsèquement féminine », associée au culte de la déesse, etc. Comment abordez-vous cette question dans votre enseignement?

Je me concentre vraiment sur l'anatomie. J'utilise une terminologie très clinique, même dans ma vie sexuelle, ce qui peut agacer les gens! Même si vous vous identifiez comme une femme cis, il se peut que vous ne souhaitiez pas interagir avec vos organes génitaux de cette manière. Alors, il suffit d’appeler les parties par leur nom. Certaines personnes sont très gênées par le mot « chatte » ou veulent appeler leurs parties « cunt ». Quoi qu'il en soit, il est imprudent de présumer ces choses-là. Je vais vomir si vous appelez mes parties « yoni »! Je ne veux pas faire ça avec les gens, alors utiliser des termes anatomiques me permet d’être plus précise. Est-ce qu’on parle du vagin, de la vulve, du clitoris? Ce n'est pas si difficile de dire: « les gens qui ont une vulve », ou « les gens qui ont un pénis », ou encore, « les gens qui squirtent ». Ça peut être très valorisant pour les personnes qui ne s’identifient pas comme des femmes, parce qu'elles peuvent vivre cette expérience, qui est typiquement associée à la masculinité. Les gens parlent d'éjaculation féminine, mais on peut aussi parler d'éjaculation tout court, ou de squirt.

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Peut-on faire un tour d'horizon de l'anatomie impliquée dans le squirting?

Tous nos organes sexuels proviennent du même endroit dans l'embryon. Disons que tout le monde a les mêmes parties, mais dans des formats différents. Ce qui porte à confusion, c'est que la prostate d'un pénis est une partie qu’on peut voir à l'échographie. Chez une personne qui a une vulve, les glandes sont plutôt réparties dans le tissu érectile; ce n’est pas un point unique. Il y a toute une zone qui interagit avec le clitoris interne, où beaucoup de choses se passent d’ailleurs.

Il existe différentes théories sur l'origine du squirt. 

Oui, à ma connaissance, plusieurs idées reçues circulent: que c’est simplement une lubrification vaginale excessive, qu’il s’agit d’urine qui sort normalement, ou alors que ce serait un liquide sécrété par les tissus engorgés se trouvant autour du canal urétral.

Je pense que le liquide provient à la fois de l'urètre (via la vessie), et des glandes de Skene (ou glandes para-urétrales) entourant l'urètre. Visuellement, elles sont si proches l'une de l'autre qu'il est impossible de les distinguer. Nous savons que le liquide du squirt contient un antigène spécifique à la prostate,  qui provient lui-même des glandes de Skene, mais il est impossible que ces glandes puissent, à elles seules, sécréter une telle quantité de liquide.

Je suppose que c'est de là que vient l'hypothèse selon laquelle le squirt et l’urine sont la même chose. Que pensez-vous de cette question du pipi? 

J'en ai assez. Je pense que les gens qui la posent le font pour prouver quelque chose. Ce que je dis habituellement, c'est que le squirt, c'est du squirt. Sinon, on appellerait ça du pipi sexy. Je connais la différence parce que je pisse sur des gens et je squirte sur eux, puis je peux squirter en grande quantité et avoir encore beaucoup de pisse à l'intérieur de moi. Alors, les gens qui veulent débattre peuvent le faire dans le vide. Je pense que les gens veulent juste pouvoir dire que c'est de la pisse. Je ne sais pas quel est leur but. S'ils veulent me faire tomber de mon trône, je ne sais pas ce que ça peut leur donner. 

La recherche scientifique, c’est une affaire d'hommes blancs. Beaucoup de ces recherches ne sont malheureusement pas fiables (et à la base il n'y a pas de financement, sauf pour les pilules pour bander). Une grande partie des recherches effectuées sur le squirting sont trop limitées pour être significatives.

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Qu'y a-t-il de bien dans le squirting? Pourquoi voudrait-on le faire?

Bonne question! Je pense que le squirting est surestimé. J'aime ça, j'aime la sensation que ça procure, mais je déteste ça parfois. C'est une nouveauté les deux premières années, mais ensuite ça devient ennuyeux. C'est juste la façon dont mon corps s'exprime, la façon dont mon corps fonctionne. Les gens qui font le plus de bruit sont surtout ceux qui le font pour la première fois. Iels disent à quel point c'est génial, mais je leur dis: on s’en reparle dans deux ans.

Je suppose que c'est parce que la gestion de quantités parfois importantes de liquide expulsé peut impliquer beaucoup de logistique… et de lessive.

Oui. Il existe des moyens de gérer les dégâts, mais quand on produit autant que moi, ça peut devenir vraiment frustrant. J'aime utiliser un pipi pad pour chiots: lorsque je le remplis, j'en prends un autre, et rendue au troisième, je peux me dire que j'abandonne. Même si quelqu'un pense que le squirting est la chose la plus sexy au monde, les gens sont contrariés par les dégâts. C'est à la fois fétichisé et honteux. Ça peut être très conflictuel. Et ça peut aussi nuire à mon orgasme. Je pense que ce sont des choses distinctes. Je peux gicler en quatre secondes, mais un orgasme peut me prendre plus de temps. Je pense que ça peut être déroutant pour les gens qui les associent l'un à l'autre. 

Le squirting peut être étroitement lié à l'ego des gens. Avec le sensationnalisme du porno et l'idée que le squirting puisse égaliser les chances, il est présenté comme étant chaud et sexy, et c'est donc la désirabilité qui motive les gens, plutôt que le plaisir. Le squirting devrait être un facteur d'égalité pour les personnes ayant une vulve, mais malheureusement, je pense que c’est devenu un truc de plus que les personnes ayant une vulve font pour plaire aux hommes plutôt que de l’utiliser comme une source de plaisir. C’est davantage lié à la satisfaction des hommes, et c’est perçu comme une extension de ce qu'ils peuvent accomplir sexuellement. Je suis une personne qui s'est débarrassée du besoin d'être désirable et agréable pour les hommes, alors l'idée qu’autant d'hommes pensent que tout tourne autour d’eux… [soupir] Je me fiche vraiment, mais vraiment de ce que vous trouvez chaud.

Revenons-en au plaisir, alors. Quelle est la sensation engendrée par le squirting?

C'est comme lorsqu'on a une démangeaison qu'on ne peut pas atteindre, et qu'on finit par la gratter. Ou lorsqu'on a envie d'éternuer et qu'on finit par le faire. C'est comme se trouver au sommet des montagnes russes, juste avant de descendre. C'est comme si une sensation de soulagement envahissait tout le corps. Mais comme pour les orgasmes, certains squirt sont comme un tremblement de terre et d'autres comme un hoquet. Ça dépend beaucoup de la montée.

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Si une personne veut apprendre à squirter, y a-t-il quelque chose à savoir avant de commencer?

J'adopte une approche non interventionniste: ça se fera à votre rythme, alors ne vous mettez pas de pression. La façon dont chacun squirte est différente; il n'y a pas qu'une seule technique. On suppose généralement qu'il doit y avoir une stimulation interne ou une pénétration, mais ça peut être trop intense pour certaines personnes. Je veux que la conversation puisse inclure le squirting en solo et le squirting sans pénétration. Il n'est pas nécessaire d'impliquer quelqu'un d'autre. Si vous avez squirté une fois, alors vous avez un corps qui le permet, vous en êtes capable. À partir de là, il s'agit d'essais et d'erreurs, de trouver comment se stimuler extérieurement et/ou intérieurement avec les muscles du plancher pelvien.

Comment peut-on apprendre à squirter?

Avant d'apprendre, il faut se demander pourquoi on veut le faire. Assurez-vous que c'est pour vous et non pour quelqu'un d'autre. 

Pour squirter, trois états du plancher pelvien entrent  en jeu: l'élongation, la contraction et la relaxation. Faites des choses que vous aimez vraiment pendant que vous jouez avec ces mouvements musculaires. C’est en essayant de reproduire la sensation par moi-même que j’ai compris comment faire.

Je recommande de mettre son doigt à l'intérieur pour sentir la différence entre la contraction et l’élongation. Imaginez un ascenseur ou un monte-charge: tirez vers le haut et poussez vers le bas. Ce n'est pas comme pousser pour faire pipi; quand on engage notre plancher pelvien, si on en contracte un, on contracte tout en même temps. [Les muscles du plancher pelvien forment] un bol qui repose dans le bassin. Il faut avoir conscience de ces muscles. Une fois qu’on est habitué·e, il n'est plus nécessaire d'avoir son doigt à l'intérieur. La contraction devrait être une sensation agréable, puisqu’elle stimule la zone G et le clitoris à l’interne. L'élongation devrait également être agréable, puisqu’il s’agit d’un élément clé du processus d'expulsion. L'élongation, c’est ce qu’on fait pendant le squirting, volontairement ou involontairement.

Les gens se concentrent sur la contraction, mais ça peut mener à des dysfonctionnements.

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En effet, une tension musculaire excessive n'est agréable nulle part, surtout  dans le bassin, d'autant plus que ces muscles internes sont responsables de tout, des crampes menstruelles aux douleurs lombaires.

En effet. Donc, il ne faut pas se concentrer uniquement sur le renforcement musculaire. Il n'est pas nécessaire que notre plancher pelvien soit d'une certaine force ou d'une certaine élasticité pour squirter, alors on peut oublier la fixation sur les exercices Kegel. Ce qu'il faut, c'est plutôt prendre conscience du plancher pelvien. Ça permet de mieux contrôler son plaisir et d'avoir son mot à dire. On peut rendre tout ce qu’on fait plus agréable par soi-même.

L'étape principale du squirting, c’est l'engorgement et l'expulsion. La zone G doit être engorgée de liquide pour pouvoir être relâchée. On peut y parvenir en jouant avec les groupes musculaires. L'expulsion, c’est le giclement. Il faut juste trouver comment le faire sortir de son corps, ce qui peut être difficile pour les personnes qui ont l'habitude de tout garder à l'intérieur. Parfois, c’est par des mouvements corporels involontaires. Mais parfois, il faut le faire [volontairement, par l'élongation]. 

Quelqu'un d'autre peut se charger de l'engorgement et vous aider à prendre du plaisir, mais vous restez responsable de l'implication de votre corps. Avis aux partenaires: nul ne peut forcer quelqu’un à squirter ou à atteindre l'orgasme. Vous pouvez jouer un rôle très important dans ce processus, mais vous aidez la personne à le faire elle-même. Vous devez comprendre que vous aidez, mais que c'est leur corps.

Quels sont les pièges, les erreurs ou les problèmes les plus courants que peuvent rencontrer les gens en squirtant ou en apprenant à squirter? 

La gêne corporelle. Le fait de s'inquiéter de faire pipi, de produire un queef [un bruit de flatulence provenant du vagin] ou de péter en bougeant le plancher pelvien—surtout si on met quelque chose dans le vagin qui peut emprisonner de l'air, c'est la recette pour produire un queef. C'est pourquoi je recommande d'apprendre par soi-même. L'embarras, c’est le principal frein à l'apprentissage. 

Si on n'a jamais éprouvé la sensation d'éjaculer, ça peut être effrayant, car on ne sait pas ce que notre corps s’apprête à faire. 

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Une autre chose, c’est que les gens se concentrent sur le squirt comme un objectif. Dans ce cas-là, si ça ne se produit pas, on y va plus fort, plus vite, plus fort. Mais en fin de compte, c'est la personne qui squirte qui doit relâcher le liquide de son corps. Donc, essayez autre chose. 

Je pense qu'on peut avoir beaucoup d'expériences agréables qui ne sont pas du squirting. Concentrez-vous sur ce que votre corps peut faire plutôt que sur ce qu'il ne peut pas faire.

Est-il sécuritaire d'avaler du squirt ou de squirter dans le vagin, l'urètre ou l’anus d'une autre personne? 

Oui, absolument. Comme avec n'importe quel fluide sexuel, il faut assumer les risques. C'est à vous de décider si vous voulez le faire. Si vous consommez du squirt, vous consommez probablement aussi les fluides sexuels qui l'entourent, ce qui comporte un risque de transmission d'ITSS. Il faut donc faire preuve de discernement. Lorsqu’on avale des liquides qui ont traversé tout le corps d'une personne, il faut aussi faire attention aux traces de médicaments qu’ils peuvent contenir. Dans un vagin, c'est acide, donc ça devrait aller. Il faudrait que je vérifie pour l'anus, mais je connais des gens plutôt cochons—dans le bon sens du terme – qui font des lavements avec pas mal de fluides différents, y compris de la pisse et du squirt. Beaucoup de choses peuvent être faites de façon sécuritaire, mais elles comportent les mêmes risques que l'ingestion.

D'accord, dernière question: comment avez-vous obtenu le record du monde de volume de squirt?

J'ai travaillé en collaboration avec un·e scientifique qui m'a dit que la quantité maximale qu'une personne pouvait squirter était de 800 à 900 millilitres, et j’ai dit que je pensais pouvoir battre ce record. Je savais que je pouvais produire un grand volume, que je le contrôlais bien, et j'en étais consciente. J'ai donc déposé une demande auprès de Guinness, mais ils ne font pas de records sexuels. Après avoir essuyé ce refus, une personne de mon entourage m'a conseillé d'en faire un coup de relations publiques en organisant mon propre événement. Il faut qu'il y ait suffisamment de témoins et de journalistes, et on doit respecter certaines normes. Je l'ai donc fait en une minute, sans jouet ni partenaire, juste avec ma main. J'ai fait gicler 1 250 millilitres en 25 secondes. Je me plais à dire que j'accueillerais volontiers la concurrence, mais pas mal de gens parlent  sans jamais agir.

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