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SIDA

Qu’est-ce que I=I signifie?

Nous décortiquons la notion « Indétectable égale Intransmissible » et ce que vous devez savoir sur le traitement et la prévention du VIH


Écrit par Paula Espinosa
October 14, 2025 dernière mise à jour October 31, 2025

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Credit: Getty Images

Aujourd’hui, la stigmatisation liée au VIH persiste malgré le fait que des médicaments tels que la PrEP et la PEP peuvent empêcher complètement la transmission lorsqu’ils sont pris correctement, et que la thérapie antirétrovirale (TAR) constitue désormais un traitement efficace à long terme pour les personnes vivant avec le VIH.

La PrEP et la PEP sont prescrites aux personnes séronégatives, mais qui risquent d’être exposées au virus. Le traitement antirétroviral, quant à lui, réduit la quantité de VIH dans l’organisme, rendant la charge virale d’une personne « indétectable » et l’empêchant ainsi de transmettre le virus à d’autres personnes.

Au Canada, plus de 60 000 personnes vivent avec le VIH, dont 90 % sont diagnostiquées. Parmi les personnes diagnostiquées, 87 % suivent un traitement et 95 % d’entre elles ont atteint la suppression virale, selon CATIE, une organisation de santé publique qui fournit des informations sur le VIH et l’hépatite C aux Canadien·ne·s. 

I=I, également connue sous le nom de « Indétectable égale Intransmissible », est une campagne de sensibilisation dont le message est que les personnes vivant avec le VIH n’ont aucun risque de transmettre le virus à d’autres personnes si elles reçoivent un traitement approprié et si leur charge virale devient indétectable. 
 

Randy Davis, lui-même séropositif et responsable des communications à la Société canadienne du sida, souligne le pouvoir de transformation de la campagne I=I. Il a contracté le VIH en 2015 et est resté sous traitement antirétroviral et a maintenu une charge virale indétectable depuis.

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« [I=I] a permis aux gens de réaliser que “Oh, maintenant, je peux avoir une famille. Maintenant, je ne vais plus m’inquiéter ou stresser en pensant au risque de transmettre le virus à un partenaire”, explique-t-il. Cela a contribué à réduire le jugement porté par les personnes séronégatives, ainsi que l’auto-stigmatisation des personnes vivant avec le VIH. »

Mais comment fonctionne I=I? Xtra s’est entretenu avec des médecins et des défenseur·euse·s des droits canadiens de la personne pour clarifier ce qu’il faut savoir sur la façon de devenir indétectable et d’accéder au traitement, et sur le traitement et la prévention du VIH.

Que signifie I=I?

Comme mentionné ci-dessus, I=I est l’abréviation de « Indétectable égale Intransmissible ».

La campagne I=I a été créée en 2016 par la Campagne d’accès à la prévention (PAC) en collaboration avec des défenseur·euse·s, des scientifiques et des expert·e·s médicaux·ales du monde entier. La campagne vise à déstigmatiser le VIH/sida et à remettre en question la notion selon laquelle les personnes séropositives sont des vecteurs de maladie.

Le Dr Julio Montaner, directeur général et médecin en chef du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, explique que lorsqu’il est pris conformément à la prescription, le traitement antirétroviral peut rendre une personne incapable de transmettre le virus à d’autres. La TAR réduit la charge virale du VIH dans le corps à un niveau qui maintient le système immunitaire en bonne santé — ce que l’on appelle également la suppression virale.
 

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Lorsque le système immunitaire est en bonne santé, le corps peut produire davantage de CD4. Les cellules CD4, également appelées cellules T, sont un type de cellule immunitaire qui vous aide à combattre les infections. Lorsque vous suivez un traitement contre le VIH, votre taux de CD4 augmente avec le temps. Un taux normal de CD4 se situe entre 500 et 1 500 unités par millilitre de sang.

Comment une personne devient-elle indétectable?

Une personne devient indétectable lorsqu’elle suit le traitement antirétroviral tel qu’il a été prescrit. La TAR réduit les niveaux de VIH dans le corps à un niveau très bas, ce qui maintient le système immunitaire en bonne santé et rend le virus indétectable.

Bien que les spécialistes du VIH comme le Dr Montaner considèrent que la suppression virale et les niveaux indétectables sont identiques, il existe des normes différentes pour chacun. Au Canada, les niveaux indétectables sont définis comme étant inférieurs à 40 ou 50 unités par millilitre de sang, tandis que la suppression virale est définie comme étant inférieure à 200 unités par millilitre de sang. Malgré ces différences, il est important de noter que tant qu’une personne a maintenu la suppression virale pendant au moins six mois après son premier résultat indétectable, la probabilité de transmission est égale à zéro, selon le Center for Disease Control and Prevention (CDC) américain.

Comment puis-je savoir si ma charge virale est indétectable?

La seule façon de savoir si votre charge virale est indétectable est de vous faire tester au moyen des deux approches principales : le test standard ou rapide. Selon le CDC, les personnes sous traitement antirétroviral atteignent généralement une charge virale indétectable dans un délai d’un à six mois après le début du traitement. Il est toutefois conseillé de se faire tester tous les quatre à six mois après avoir atteint une charge virale indétectable.
 

Quelles sont les données scientifiques qui appuient le I=I?

Soutenu par trois études cliniques majeures menées entre 2008 et 2016, le principe I=I est resté essentiel pour prouver que les personnes dont la charge virale est indétectable ne présentent aucun risque de transmission. Des organisations majeures telles que le CDC et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont approuvé le I=I.

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Mon ou ma partenaire est séropositif·ive avec une charge virale indétectable. Vais-je contracter le VIH si nous avons des rapports sexuels sans préservatif?  

La réponse courte est non. Tant que la personne a suivi le traitement prescrit et qu’elle a fait au moins deux analyses sanguines consécutives indiquant une charge virale supprimée, il n’y a aucun risque de transmission. Cela dit, c’est à chacun·e de décider si les préservatifs ou la PrEP sont une option qu’iel souhaite explorer, car la TAR ne protège pas contre d’autres ITSS telles que la gonorrhée ou la syphilis.

Ma charge virale indétectable peut-elle redevenir détectable?

Il est important de noter que la TAR ne permet pas de guérir du VIH ou d’éliminer complètement le virus de l’organisme. Il permet plutôt de contrôler le virus jusqu’à ce que la probabilité de transmission soit nulle. Une personne peut revenir à des niveaux détectables si elle ne prend pas régulièrement ses médicaments ou si elle développe une résistance aux médicaments.

La résistance aux médicaments contre le VIH peut survenir lorsque le virus se multiplie en raison d’un manque de suivi, d’une mauvaise absorption des médicaments ou d’interactions médicamenteuses pendant le traitement antirétroviral. Par exemple, cela peut survenir si la personne qui vous a infecté avait une souche déjà résistante aux médicaments ou si elle a été exposée à des médicaments contre le VIH lors de sa première infection — comme dans le cas d’une personne enceinte qui prend des médicaments pour éviter de transmettre le VIH à son bébé, mais dont l’enfant développe tout de même le virus. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez changer de combinaison de médicaments pour que votre traitement redevienne efficace.

L’oubli occasionnel d’une dose affecte-t-il le I=I?

Le I=I dépend de la bonne utilisation des médicaments. Si vous avez déjà une charge virale indétectable, selon le AIDS Network, une dose manquée de temps en temps ne changera pas votre statut. Cependant, il est préférable de rester vigilant afin de maintenir unecharge virale indétectable et de réduire le risque de transmission.

I=I s’applique-t-il aux formes de transmission autres que sexuelles?

À l’heure actuelle, I=I s’applique aux contacts sexuels, y compris les rapports sexuels anaux, oraux et vaginaux. Il s’applique également à la transmission parent-enfant — le VIH peut traverser le placenta pour atteindre le fœtus. Lors de l’accouchement, le bébé peut également être exposé au VIH par le sang ou d’autres liquides si le parent n’est pas indétectable.

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Bien que le Dr Montaner affirme qu’il n’y a pas de risque de transmission par l’utilisation de seringues lorsqu’une personne maintient des niveaux viraux indétectables, le CDC déclare qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour affirmer que le risque de transmission est nul.

En ce qui concerne l’allaitement, une étude de 2017 rapporte que parmi les femmes sous traitement anti-VIH qui allaitent, le taux de transmission estde 1 % après six mois d’allaitement, et de 3 % après un an. Au Canada, il est toujours recommandé aux parents séropositifs d’allaiter, mais cette recommandation pourrait changer au fur et à mesure que les données évoluent.

Comment des médicaments comme la PrEP et la TAR peuvent-ils améliorer ma santé sexuelle?

Des contrôles réguliers, comme ceux qui sont requis pour la PrEP, normalisent le fait de se faire dépister régulièrement, et réduisent la stigmatisation des ITSS.

Bien que la PrEP ne protège pas contre les autres ITSS, commencer la PrEP nécessite un test négatif pour le VIH et un dépistage des ITSS comme l’hépatite A, B et C, ainsi qu’un examen des fonctions rénales. Des examens réguliers, généralement tous les trois mois après une première visite, sont également nécessaires. Selon CATIE, il s’agit notamment de surveiller les effets secondaires des médicaments, de prodiguer des conseils sur la réduction des risques et de vérifier si les personnes prennent les médicaments tels qu’ils ont été prescrits.

Davis affirme que le fait de se faire dépister tous les deux mois a amélioré son état de santé général. « Je fais des tests de laboratoire pour confirmer que je suis indétectable et je me fais dépister pour diverses ITSS. Je m’assure également, ce qui est tout aussi important, de passer des examens de santé généraux liés au vieillissement, que l’on soit séropositif ou non », explique-t-il.

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La TAR affecte-t-elle l’hormonothérapie?

Certaines personnes suivant une thérapie hormonale s’inquiètent de l’interaction possible entre la TAR et les hormones. Selon le CDC, il n’y a toutefois pas d’interactions médicamenteuses connues. Une étude réalisée en 2020 n’a révélé aucun changement dans l’efficacité du traitement hormonal après quatre semaines de traitement contre le VIH.

Quels sont les groupes les plus touchés par la transmission du VIH?

Davis reconnaît que si l’idéal est d’atteindre une charge virale indétectable, ce n’est pas possible pour tout le monde. « Il y a un nombre de personnes vivant avec le VIH qui ne sont pas en mesure d’atteindre une charge virale indétectable et nous devons nous assurer que nous ne laissons pas ces personnes de côté », déclare-t-il.

Les personnes noires et autochtones—en particulier les femmes—les personnes trans et les consommateur·rice·s de drogues injectables sont touché·e·s de manière disproportionnée par le VIH et représentent une part importante des nouvelles infections selon l’Ontario HIV Treatment Network. Également, iels sont souvent victimes de racisme médical et de transphobie, et se heurtent à des obstacles qui les empêchent d’obtenir des soins adéquats.

Des défenseur·euse·s de la santé comme Dessie Jo Sutherland, consultante communautaire et conseillère au Wellness Wheel, une organisation pour les populations autochtones à risque, affirment que les réseaux de soutien communautaire sont essentiels pour mettre les individus en contact avec les prestataires de soins de santé et garantir un accès rapide au traitement, sans stigmatisation.

Sutherland est indétectable et a eu deux enfants séronégatifs depuis son diagnostic en 2012. Depuis lors, la création d’espaces exempts de stigmatisation est devenue un élément central de son travail de sensibilisation.

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« Nous créons naturellement ces espaces sécurisants parce que nous venons du monde du diagnostic, nous venons du monde de la lourdeur. Nous connaissons quelques moyens de nous en sortir et nous sommes prêt·e·s à aider la personne en quête de services d’une manière qui lui convient », explique Sutherland.

Au Canada, est-ce que tout le monde a le même accès au traitement du VIH et à la PrEP ?

Le coût, le manque de connaissances et l'accessibilité jouent un rôle dans la prise de la TAR et de la PrEP. La Colombie-Britannique, par exemple, offre des tests gratuits et un accès à des médicaments tels que la TAR, la PrEP et la PEP dans le cadre de la stratégie de traitement comme prévention (Treatment as Prevention strategy - TasP). Ce n’est toutefois pas le cas dans toutes les provinces.

Au Canada, l’accès à la TAR, à la PrEP et à la PEP varie d’une province à l’autre. Cela signifie que les personnes qui reçoivent les mêmes ordonnances peuvent payer des montants différents selon leur lieu de résidence, et peuvent avoir besoin d’une combinaison d’assurances privées, de subventions publiques et de fonds personnels.

« L’accessibilité de la PrEP varie d’une province à l’autre et il n’existe pas de centre en ligne unique pour guider les gens, c’est pourquoi il est important de faire passer le mot et de faire savoir que de l’aide est disponible », déclare Davis.

Le taux d’utilisation de la PrEP chez les hommes trans reste faible. Les femmes racisées cis et trans sont également moins susceptibles de prendre la PrEP en raison d’une sensibilisation insuffisante. En 2022, selon l’Agence de santé publique du Canada, 98 % de la PrEP a été utilisée par des hommes cis et 2 % par des femmes cis. Malheureusement, il existe encore peu de données sur l’utilisation de la PrEP chez les hommes et les femmes trans.

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Avec l’approbation récente d’APRETUDE, une formule très efficace de PrEP à longue durée d’action, les défenseur·euse·s espèrent voir s’améliorer le taux de prise de médicaments. Il n’est toutefois pas encore certain que ce médicament soit couvert par les assurances provinciales.

Dois-je divulguer mon statut sérologique si je suis indétectable?

Au Canada, les personnes séropositives doivent divulguer leur statut sérologique avant tout rapport sexuel comportant une possibilité « réaliste » de transmission.

Légalement, cela signifie que les personnes n’ont pas à divulguer leur statut avant des rapports sexuels vaginaux ou anaux si elles utilisent un préservatif et ont une charge virale inférieure à 1 500 unitéspar millilitre.

Cependant, dans de nombreuses situations, la question de savoir si une personne peut être poursuivie pour ne pas avoir révélé son statut dépend de la manière dont les juges et les procureur·e·s interprètent ce qui constitue un risque « réaliste ».

André Capretti, analyste des politiques au HIV Legal Network, s’inquiète de la militarisation des lois pour les personnes vivant avec le VIH, en particulier pour les personnes racisées. « Une personne peut avoir une charge virale supprimée et être poursuivie si elle ne porte pas de préservatif », explique-t-il.

Qui plus est, la Cour suprême du Canada ne fait pas de différence entre l’intentionnalité et la non-intentionnalité. Cela signifie que des personnes peuvent être criminalisées même si elles ne connaissaient pas leur statut sérologique au moment de la relation sexuelle, ou si elles sont indétectables depuis des années.

Qui plus est, la Cour suprême du Canada ne fait pas de différence entre l’intentionnalité et la non-intentionnalité. Cela signifie que des personnes peuvent être criminalisées même si elles ne connaissaient pas leur statut sérologique au moment de la relation sexuelle, ou si elles sont indétectables depuis des années.

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