Publicité
Relations

Après la non-monogamie

Sortir du moule, c’est aussi changer de perspective. Et si un jour on ne se reconnaît plus dans la non-monogamie?


Écrit par Andrea Zanin
November 18, 2025 dernière mise à jour November 18, 2025

Après la non-monogamie cover image
Getty Images; acepeaque/Script

Pendant un temps, vous avez fréquenté plusieurs personnes. Vous faisiez peut-être partie d’un polycule, d’une triade ou d’une autre structure non monogame. Peut-être étiez-vous du genre solo poly, avec une constellation de partenaires en constante évolution. Ou bien en couple ouvert, avec des idylles occasionnelles la fin de semaine.

Quoi qu’il en soit, vous avez arrêté. Pas parce que c’était mal, mais parce que la non-monogamie ne vous correspondait plus.

C’est exactement ce qui m’est arrivé — et je peux vous dire que c’est une drôle d’expérience. En devenant non monogame, j’avais appris à mieux communiquer; j’avais développé une philosophie axée sur le et au lieu du ou; je cherchais constamment de nouveaux moyens de répondre aux besoins de tout le monde. J’avais bâti une immense communauté : ami·e·s, amant·e·s, ex et plus encore. Je n’avais plus de tolérance pour les comédies romantiques clichées, où le héros ou l’héroïne doit choisir entre deux flammes.

Sauf que la vie s’en est mêlée: des douleurs chroniques à long terme, deux chirurgies, des traitements contre le cancer, des effets secondaires qui perdurent… Sans compter la rupture avec une personne qui devait partager ma vie (et les questionnements qui s’en sont suivis sur mon jugement à ce niveau-là). Bref, j’ai dû prendre un pas de recul. Je ne voulais pas revenir à la monogamie en tant que telle, mais la non-monogamie n’était plus pour moi.

Mon opinion sur le sujet n’avait pas changé, mais j’avais perdu le désir de fréquenter plusieurs personnes à la fois. Qui étais-je dans cette nouvelle étape de ma vie?

Pour répondre à cette question, j’ai écrit un livre intitulé Post-Nonmonogamy and Beyond. Pendant la phase d’écriture, quand j’en parlais autour de moi, beaucoup de gens se reconnaissaient : « Moi aussi, c’est exactement là que j’en suis! » Je me suis dit que le phénomène était peut-être plus répandu que je ne le croyais.

Publicité

La  recherche a confirmé mon  intuition. Actuellement, au Canada et aux États-Unis, 4 % à 5 % des gens pratiquent une forme de non-monogamie. Or, d’autres études montrent que 20 % de la population américaine a déjà été non monogame (aucune statistique comparable n’existe au Canada). Si on superpose ces chiffres, on s’aperçoit que les personnes qui ont déjà été non monogames sont quatre à cinq fois plus nombreuses que celles qui le sont actuellement.

Bien sûr, le nombre de personnes qui ont un passé non monogame ne fait qu’augmenter. À mesure que la non-monogamie gagne en popularité, de plus en plus de gens sont susceptibles d’en avoir déjà fait l’expérience.

Vous faites peut-être partie de ce groupe. Peut-être êtes-vous célibataire, en couple avec une seule personne ou en étroite relation avec ces personnes que Rhaina Cohen qualifie d’« autres partenaires». Ce ne sont pas des partenaires de vie, mais votre lien rappelle ce genre de relation — un peu comme avec mes deux meilleur·e·s ex avec qui j’ai passé de longues années en triade au milieu des années 2000 et durant les années 2010. Vous avez peut-être fait une croix sur la non-monogamie. Vous pensez peut-être y revenir un jour, mais pas tout de suite.

Qu’est-ce qui mène à cette décision? Dans certains cas, c’est tout naturel; une, deux relations prennent fin, on se retrouve célibataire ou en couple avec une seule personne et on décide de ne pas chercher d’autres partenaires. Dans ces cas-là, un·e de mes meilleur·e·s ex parle de « monogamie par défaut».

Dans mon livre, je me base sur mon expérience et sur celles de ma communauté (en plus de mes nombreuses lectures) pour décrire trois autres avenues. Chez certaines personnes, c’est une baisse de libido qui diminue le désir de trouver d’autres partenaires. Non pas que toutes les relations soient forcément sexuelles (petit coucou au spectre de l’asexualité), mais parce que statistiquement, beaucoup de relations commencent par une attirance. Quand la libido baisse, bien des gens perdent l’envie de faire de nouvelles rencontres.

Chez d’autres, le stress ou le traumatisme au sens large grugent le temps et l’énergie nécessaires pour trouver plusieurs partenaires. Il peut s’agir d’une tragédie soudaine, d’une accumulation de responsabilités quotidiennes à saveur de capitalisme avancé, d’une maladie, d’un épuisement ou d’un besoin de guérir des blessures d’enfance.

Publicité

Enfin, d’autres personnes apprennent à bien vivre la solitude, tellement que leur enthousiasme pour les nouvelles rencontres diminue. Pourquoi perdre son temps sur les applications quand on peut passer une excellente soirée chez soi, avec un bon livre et une bonne tasse de thé (voire avec son jouet préféré)?

Peu importe le ou les chemins que vous avez empruntés, vous êtes en bonne compagnie dans l’après-non-monogamie. Bienvenue!

Et la suite? Elle vous appartient.

Pour certaines personnes, la non-monogamie est une orientation sexuelle; elles continuent de s’y identifier toute leur vie. Pour d’autres, c’est une pratique qu’elles adoptent sans s’y identifier personnellement. Mais, à mon sens, quand on parle de l’après-non-monogamie, ces catégories n’ont pas une grande importance. Ce qui compte, c’est surtout le changement de mentalité qui s’opère quand on pratique la non-monogamie pendant un certain temps, avec une certaine profondeur émotionnelle.

Quand on adopte un mode relationnel qui défie les normes, on a tendance à changer de perspective. Une fois ce changement amorcé, peu importe sa teneur, je ne pense pas qu’on puisse revenir à la mentalité d’avant. Les idées, les aptitudes et les points de vue qu’on a découverts en devenant non monogame influencent tout le reste : la collaboration au travail, la résolution des problèmes familiaux, les loisirs entre ami·e·s, le partage des ressources avec la communauté, même les convictions politiques.

Mon livre vous invite à une réflexion sur cette expérience. La mienne prend plusieurs formes : un vaste réseau dispersé aux quatre coins du monde, un engagement envers ma famille choisie (et l’idée qu’on choisit toujours sa famille), un refus de voir l’amour et la bienveillance à travers le prisme de la rareté. 

Penser l’après-non-monogamie, c’est reconnaître une vérité éphémère : la non-monogamie est transformatrice, même quand on ne la pratique plus.

Publicité

Pour aller plus loin, lisez le livre d’Andrea : Post-Nonmonogamy and Beyond (Thornapple Press, 2024).

Publicité

Lire la suite

Publicité