Ce qui se trouve entre vos jambes ne regarde que vous. Mais, si vous avez un pénis et des testicules que vous souhaitez parfois dissimuler, vous avez de la chance : vous pouvez les tucker.
Le tucking (ou le fait de tucker) est le processus magique qui consiste à cacher vos parties intimes. Il est courant chez de nombreuses femmes transgenres, personnes non binaires et artistes drag.
Le tucking est un art qui se pratique comme suit : glissez doucement vos testicules à l'intérieur de votre corps, enroulez votre scrotum autour de votre pénis, et cachez le tout entre vos fesses. Puis, maintenez le tout en place à l'aide de l’attache de votre choix : du ruban adhésif médical, des sous-vêtements serrés, ou un gaff, soit un morceau de tissu cousu expressément à cet effet.
Les personnes queer pratiquent le tucking depuis des générations. Mais avec la prolifération des espaces queers en ligne, l'apprentissage du tucking à domicile est plus facile que jamais, que vous ayez ou non des aîné·e·s queer dans votre entourage pour vous l'enseigner.
Vous voulez peut-être tucker pour vous sentir mieux dans votre peau, pour réduire votre dysphorie, ou comme mesure de sécurité pour empêcher les trous de cul de remarquer que vous êtes trans. Vous voulez peut-être aussi tucker pour une performance de drag. Ou vous voulez peut-être simplement explorer les capacités de votre corps.
Katherine Gardner est une médecin de famille queer qui s'occupe d’un grand nombre de patient·e·s pratiquant le tucking. « Énormément de gens viennent me voir avec énormément de craintes. Leur scepticisme et leurs inquiétudes se basent largement sur la manière dont la société impose certains comportements et décourage les gens de faire des choses qu'elle juge honteuses », explique-t-elle. « Le tucking est tout à fait sécuritaire. C'est extrêmement important et valorisant. Ces avantages l'emportent largement sur les risques potentiels. »
Bien que peu d’études à long terme existent sur le tucking, comme le dit Gardner, il est considéré comme sûr de le pratiquer. Nous avons demandé à Gardner de nous présenter les questions qui lui sont posées le plus couramment.
Si je tuck, où vont mes testicules? C’est vrai qu'ils rentrent à l'intérieur de mon corps?
Il existe plusieurs façons de tucker. L’une d'entre elles consiste à exercer une pression sur les testicules pour qu'ils remontent par le canal se trouvant dans le repli de chaque côté de l'aine. Ce canal s'appelle le canal inguinal. Il s’agit en fait des vestiges d'un processus important du développement fœtal, selon lequel les testicules descendent dans le scrotum après leur développement dans la cavité abdominale.
Chez la plupart des bébés qui ont des testicules, les deux testicules sont déjà descendus de l'abdomen vers le scrotum au moment de leur naissance. Mais ce n'est pas le cas chez tous les bébés. Chez un certain pourcentage d’entre eux, un testicule ou les deux ne descendent pas complètement. Un testicule peut encore se trouver dans l'abdomen ou partiellement dans le canal inguinal. D’une façon ou d’une autre, à l'âge adulte, certains éléments traversent le canal inguinal, comme les vaisseaux sanguins. C'est un espace par lequel un organe comme un testicule pourrait passer.
Est-ce que je vais développer une hernie?
La réponse est non, de ce qu’on en sait. Le risque de développer une hernie n’est pas accru chez les personnes qui tuckent. On n’a toutefois pas les données scientifiques pour le confirmer, ce qui est malheureux. On a besoin de plus d’argent pour la recherche sur le tucking, sur le binding. Mais de manière anecdotique, rien ne prouve que les personnes qui tuckent en développent plus souvent.
Est-ce que ça me met à risque de torsion testiculaire?
Non plus. De manière anecdotique, il n'y a pas d'augmentation des cas de torsion testiculaire [soit lorsque le testicule se tord sur lui-même] chez les personnes qui tuckent. Un cas a été rapporté, mais les auteur·e·s derrière cette publication ont ajouté, à la suite de recherches approfondies, qu’il s’agit d’un cas unique.
Le tucking augmente-t-il les risques d’infection urinaire?
Non. Je m'occupe de nombreuses personnes qui tuckent, et d'après mon expérience clinique, le risque doit être extrêmement faible, parce que je n’ai remarqué aucune complication qui yest liée.
Le tucking, ça fait mal?
Le tucking peut être douloureux pour certaines personnes. Parfois, la douleur s'atténue avec le temps, parfois non. L'anatomie de chaque personne est légèrement différente. Les testicules sont différents et les canaux inguinaux sont différents. Les corps sont innervés différemment, l’apport des nerfs vers chaque partie du corps est différent.
Et si ça fait mal?
Si une personne ressent de la douleur lorsqu'elle tuck, et si ça se produit à chaque fois, elle devrait en parler à son médecin. Si une personne ressent tellement d’inconfort qu’elle doit arrêter de tucker, et si c’est vraiment important pour elle de le faire pour des raisons d’affirmation de genre, ce serait important de considérer si une orchidectomie [soit une intervention chirurgicale consistant à retirer un ou plusieurs testicules] pourrait lui être bénéfique.
Quel est l'impact du traitement hormonal substitutif sur le tucking?
Lorsqu’une personne prend de l'œstrogène et un inhibiteur de testostérone sur plusieurs années, elle peut s'attendre à une réduction d'environ 40 pourcent du volume total de ses testicules. Normalement, je dis aux personnes concernées d’imaginer la taille de leurs testicules diminuer de moitié en trois à cinq ans. Ça pourrait rendre le tucking un peu plus facile.
Que faire si ma peau est irritée?
La peau de l'aine est super sensible, ce qui fait en sorte qu’elle s’irrite facilement, tucking ou pas. La première chose consiste à faire preuve de beaucoup de douceur avec votre peau. Autant que possible, portez du coton. Respectez les règles de base : évitez les parfums et les lotions parfumées. Si vous avez une éruption cutanée qui persiste pendant plus d'une semaine, je vous conseillerais de consulter un médecin. Vous pourriez avoir besoin d'un antifongique ou d'un stéroïde topique.
Mais tout le monde peut ressentir un inconfort au niveau de l'aine, peu importe ce qu’iels en font. Ce que je dirais, ou ce qui est bon à savoir pour les personnes qui ne tuckent pas, c'est que ce qui se passe au niveau de l'aine n'a rien de mystérieux.
Le tucking affecte-t-il la fertilité?
En toute honnêteté, on n’en sait rien. Mais on peut extrapoler à partir d’autres faits connus. Une des raisons pour lesquelles les testicules ne se trouvent pas à l'intérieur du corps est que, pour permettre aux spermatozoïdes de vivre et se de développer, ils doivent être à une température légèrement inférieure à celle du corps. C'est assez étrange. Donc, quand la température des testicules est plus élevée, soit quand ils sont à la température du corps, la spermatogenèse (la production de nouveaux spermatozoïdes) diminue. Des études montrent que les personnes qui portent des caleçons plutôt que des boxers ont en fait un nombre de spermatozoïdes légèrement inférieur. Ça s'explique par le fait que les testicules sont maintenus à une température un peu plus élevée dans les caleçons que dans les boxers. C'est également le cas des personnes qui passent beaucoup de temps dans des jacuzzis, mais également des cyclistes, parce qu’iels portent des vêtements serrés qui maintiennent les testicules près du corps et les compriment sur la selle de leur vélo. Il existe énormément de documentation sur les cyclistes et les personnes qui passent du temps dans les jacuzzis, mais aucune sur le tucking.
C’est possible que le tucking entraîne une légère diminution du nombre de spermatozoïdes. Mais ça ne rend pas stérile non plus. Si vous avez des relations sexuelles avec une personne qui pourrait tomber enceinte et que ce n'est pas votre but, c’est important de le savoir!
La diminution est légère, pas spectaculaire. De ce qu’on sait des personnes qui passent du temps dans des jacuzzis, qui portent des caleçons et qui s'inquiètent pour leur fertilité (et qui essaient d'augmenter leur nombre de spermatozoïdes), les médecins leur demanderont de changer de sous-vêtements, d'éviter les jacuzzis et de ne pas faire de vélo pour voir si ça permet à leur nombre de spermatozoïdes d’augmenter légèrement.
On m'a dit que je devrais congeler mon sperme avant de commencer à tucker.
C'est ridicule. Je suppose que si c’était possible de mesurer le nombre exact de spermatozoïdes d'une personne quand elle ne ne tuckait pas ou ne l’avait pas fait depuis plusieurs mois, comparé à quand elle tuckait régulièrement depuis plusieurs mois, on constaterait probablement une diminution du nombre de spermatozoïdes. Mais, encore une fois, pas assez pour stériliser. Le compte ne tombe pas à zéro, ou même proche de zéro. Dire le contraire revient à utiliser la science médicale pour manipuler la compréhension des gens et les empêcher de s’occuper d’elleux-mêmes, ce qui les pousse à ressentir de la peur et de la honte.
Les personnes qui ont des testicules, qui ont pris des hormones pour affirmer leur genre, et qui souhaitent utiliser leur sperme par la suite (que ce soit pour le conserver, avec un·e partenaire ou pour en faire don), si elles arrêtent les hormones, on peut voir à l'apparence de l'éjaculat s'il y a du sperme dedans. Quand une personne tuck, son éjaculat ne devient pas clair pour autant. Une grande partie de la couleur de l’éjaculat est créée par la présence de sperme.
C'est également une bonne chose à savoir sur la fertilité. À quel moment peut-on considérer qu’on est à nouveau fertile? Quand peut-on commencer à essayer d’utiliser son sperme? Observez votre éjaculat. Quand il commence à devenir plus opaque, vous pouvez commencer à essayer.
Le mot de la fin?
Tucker est complètement sûr. Profitez-en.
Cette entrevue a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.